La politique n’est pas la solution

Même si beaucoup refusent encore de comprendre la logique inexorable qui a conduit à un état du monde si sombre, la conviction se répand que l’économie capitaliste a mis l’humanité devant de grands problèmes. Presque toujours, la première réponse est la suivante: «Il faut retourner à la politique pour donner des règles au marché. Il faut rétablir la démocratie menacée par le pouvoir des multinationales et des Bourses». Mais la politique et la démocratie sont-elles, vraiment le contraire de l’économie autonomisée, sont-elles capables de la ramener dans ses «justes bornes»?

Le «politique» s’oppose-t-il à «l’économique autonomisé»?

La gauche se trompe lourdement en attribuant à l’Etat des pouvoirs souverains d’interventions. D’abord, parce que la politique est de plus en plus de la politique économique. De même que dans certaines sociétés précapitalistes tout était motivé par la religion, maintenant toute discussion politique tourne autour du fétiche de l’économie. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la différence entre la droite et la gauche consiste essentiellement dans leurs recettes divergentes de politique économique. La politique, loin d’être extérieure ou supérieure à la sphère économique, se meut complètement à l’intérieur de celle-ci. Cela n’est pas dû à une mauvaise volonté des acteurs politiques, mais remonte à une raison structurale: la politique n’a pas de moyen autonome d’intervention. Elle doit toujours se servir de l’argent, et chaque décision qu’elle prend doit être «financée». Lorsque l’Etat cherche à créer son propre argent en imprimant du papier-monnaie, cet argent se dévalorise tout de suite. Le pouvoir étatique fonctionne seulement jusqu’à ce qu’il réussisse à prélever de l’argent sur des procès de valorisation réussis. Lorsque ces procès commencent à ralentir, l’économie limite et étouffe toujours plus l’espace d’action de la politique. Il devient alors évident que dans la société de la valeur la politique se trouve dans un rapport de dépendance vis-à-vis de l’économie. Avec la disparition de ses moyens financiers, l’Etat se réduit à la gestion, toujours plus répressive, de la pauvreté. A la fin, même les soldats s’échappent s’ils ne sont pas payés, et les forces armées deviennent la propriété privée des restes barbarisées des institutions étatiques – ce qui est déjà arrivé dans nombreux pays du tiers-monde, mais aussi dans l’ancienne Yougoslavie.

Nous avons indiqué les éléments majeurs de la crise de la socialisation basée sur la forme valeur: la société du travail se trouve sans travail et doit déclarer à des peuples entiers qu’ils n’ont plus cours. L’Etat national en tant que mécanisme de la régulation est en train de disparaître. La crise écologique signifie que, afin de continuer la création de la valeur, le monde entier est jeté dans le chaudron de la valorisation. Le rapport traditionnel entre les sexes a été mis en discussion, parce que le travail féminin en tant que «revers obscur» de la valorisation ne peut pas être intégré dans la logique de la valeur. Ces problèmes restent hors de l’atteinte de la politique, qui commence à tourner à vide. Elle dégénère définitivement en spectacle publicitaire qui couvre les gouvernements d’unité nationale qui gèrent en effet dans tous les pays occidentaux l’urgence continuelle.

Faut-il «démocratiser» la politique pour s’opposer à l’économie autonomisée?

L’auto-gestion ouvrière permet-elle de sortir de l’économie?

[1] Les infrastructures ne peuvent pas complètement dépendre de l’offre et de la demande. Les coupures d’électricité massives en Californie en 2001, mais aussi au Brésil, ont donné une petite idée de ce qui peut arriver lorsqu’on essaie d’organiser les services infrastructurels sous forme privée.